Pour être le plus efficace possible, la procrastination est à bannir ! Voilà le message que l’on entend en boucle lorsque l’on travaille dans le monde de l’entreprise et de l’entreprenariat. Et si la procrastination n’était en fait qu’une réponse à un système trop exigeant et qui ne respecte pas nos besoins ? Et s’il existait aussi une justesse à procrastiner pour être plus en accord avec nous-même ? Explorons ce que ce terme a de bon à nous révéler.
La procrastination : une connotation très négative
Cette tendance à remettre systématiquement les tâches à accomplir au lendemain est perçue de manière très négative. Nous vivons dans une société de la performance, où chaque tâche accomplie est une petite victoire. Nos journées sont inondées de choses à faire. Plus nous en réalisons, plus nous sommes performants et plus nous sommes reconnus au sein de cette société. Le fait de procrastiner devient alors vite connoté négativement car il représente un frein évident à cette logique de la performance.
Quand la liste des choses à faire ne fait que s’agrandir, l’ambiance à la maison peut commencer à se détériorer. Reproches, pression, chantage… autant de réactions que l’on lance en espérant qu’elles amènent un réveil de celui qui procrastine, et qui reste pourtant hermétique au changement.
Au sein d’un couple, cette tendance à procrastiner peut entraîner des tensions en amenant parfois l’autre à vouloir compenser le “manque de dynamisme” de son/sa compagnon/compagne. Le besoin de contrôle peut rendre la situation invivable pour les deux membres du couple qui finissent par s’étouffer mutuellement.
Enfin la procrastination est souvent un phénomène qui dépasse l’intéressé, et qui l’amène à un sentiment de culpabilité et d’auto-jugement négatif. Comment avoir l’esprit léger quand on sait qu’il y a une liste de choses à faire longue comme le bras en retard ? comment se sentir serein quand on sait que la déclaration d’impôts est en retard ? comment ne pas se sentir coupable ou honteux quand on mesure que notre compagnon/compagne a fait quelque chose que l’on avait promis d’assumer ?
Pourquoi procrastine-t-on ?
Et si on se pose la question de ce que cette procrastination cache. S’agit-il seulement de fainéantise et/ou de manque d’organisation ? Et si la procrastination cachait en fait un manque d’alignement entre nos besoins et ce que l’on s’impose ? Je crois qu’il existe un réel problème de fond entre ce que l’on croit que l’on doit faire et ce qu’il est juste pour nous de faire.
Si l’on ne se pose pas la question de quelles sont nos valeurs et de ce qui est vraiment important pour nous, il est fort possible que l’on fasse les choses pour de mauvaises raisons. Faire plaisir à l’autre, faire par habitude, faire par principe… Si le moteur de ce qu’il y a à faire repose sur des motifs extérieur à nous, n’est-il pas naturel que nous manquions de motivation ?
En revanche, si au moment de prendre une décision ou un engagement nous nous posons vraiment la question de savoir si cela nous nourrit, la donne change. En effet, nous ne le faisons alors plus par obligation, mais par plaisir !
Petite pratique pour s’aligner avec ses tâches:
- Prenez le temps de revenir à vous avec votre respiration, revenez au calme.
- Choisissez une tâche de référence qui vous apporte du plaisir.
- Visualisez vous en train de réaliser cette tâche et ressentez ce que cela fait dans votre corps, dans vos cellules, savourez.
- Posez ensuite par écrit les tâches que vous procrastinez depuis longtemps.
- Choisissez en une.
- Prenez quelques respirations conscientes.
- Visualisez-vous en train de mener cette action et ressentez ce qu’il se passe dans votre corps : c’est comment ? c’est comme quoi ? est-ce agréable ou désagréable ? Si besoin, comparez avec votre tâche de référence.
- Si cela est agréable, pensez à vous nourrir de cette sensation quand vous déciderez de vous mettre à l’ouvrage
- Si cela est désagréable, posez-vous la question :
- quelle est la valeur que je nourris en menant cette tâche ? en quoi est-ce important que je réalise cette tâche ? est-ce que je le fais vraiment pour moi, ou seulement par besoin de reconnaissance ?
- Si vraiment elle est indispensable : comment pourrais-je la sous-traiter ? Et si je choisis de la faire moi-même, de quoi aurai-je besoin pour qu’elle devienne agréable ? Par exemple, qu’est-ce que je ressens si je me visualise en train de faire cette tâche, tout en buvant ma boisson préférée ou en écoutant de la musique ?
- Faites de même avec toutes les tâches de votre liste, et faites le point : ce que je garde, ce que je sous-traite, ce que je fais selon les arrangements dont j’ai besoin.
Et puis quand nous avons pris le temps de réellement aligner nos actions avec qui nous sommes, il reste quand même des choses à faire qui nous réjouissent moins. Au sein du ménage, il pourra s’agir de laver le linge, de payer les factures ou de faire la vaisselle… difficile d’y couper !
Avec les arrangements que vous aurez pu identifier ci-dessus, ces tâches peuvent devenir nourrissante. Et pour aller encore plus loin, voici 2 astuces:
- réalisez ces tâches en pleine conscience pour vivre pleinement l’instant présent
- réalisez d’abord les tâches qui vous apportent de l’énergie. Bien souvent nous avons cette tendance à nous accorder des moments de bien-être en récompense de nos efforts. Cela nous amène à commencer notre journée avec des choses qui nous coûtent de l’énergie. Que se passerait-il si nous commencions par réaliser ce qui nous fait pétiller ? Nous serions simplement de bien meilleure disposition pour entamer les tâches moins gratifiantes !
Exemple : au programme de ma journée, je souhaite changer les draps de mon lit (tâche qui me coûte de l’énergie). Je souhaite aussi aller faire une promenade en forêt pour admirer l’automne qui s’installe (tâche qui me recharge en énergie). Sur un mode habituel j’aurais tendance à changer les draps d’abord, pour être ensuite débarrassée de cette tâche. Or selon le modèle proposé, je choisis d’aller d’abord faire ma promenade. Quand je rentre, rechargé(e) de plaisir, je change les draps et cette tâche me semble légère et simple.
La course à la performance
Notre société est fondée sur un modèle de performance. Pour réussir et pour être reconnu, il est indispensable de performer. S’inscrire dans un schéma où l’on fait de mieux en mieux ou de plus en plus est signe de réussite. S’il n’y a pas de réussite, le raccourci est vite fait d’interpréter qu’il y a un échec. Que cela soit dans le travail, au sein du foyer ou encore dans le domaine de la sexualité.
Depuis la plus tendre enfance, les petits sont incités par le système scolaire à aller de l’avant sur tous les fronts. Même si certains sujets ne les intéressent pas particulièrement, ils ont quand même à progresser et à réussir. Pourquoi ? Pour se conformer à un système qui l’impose, pour faire plaisir à la maîtresse, à papa et à maman… Mais qu’en est-il de la notion de plaisir ? Ne serait-il pas plus juste de laisser l’enfant puis l’adulte s’éveiller à son rythme et selon les affinités qui lui sont propres ?
C’est le pari que font certaines écoles dites “écoles démocratiques” où il n’y a aucune pression et aucun objectif à atteindre, et les résultats sont probants ! Les enfants ont naturellement envie d’apprendre et même sans cadre et sans contrainte, ils s’enrichissent. Mieux encore, ils deviennent des adultes responsables, conscients de leurs besoins et de leurs envies… Qui peut en dire autant au sortir du collège après des années à avoir été dicté ce que l’on devait faire et penser ?
Le passage en force, une mauvaise habitude usuelle
Alors oui, il existe tout un tas de moyens pour être performant, même si naturellement nous n’avons pas envie d’avancer dans la direction imposée. Il existe tout un tas d’astuces pour éviter la procrastination et mieux “se maîtriser” (voir notamment cette technique de méditation pour une meilleure maîtrise de soi).
Nous avons appris par la force des choses à entrer dans le moule de ce qui était attendu de nous. Nous avons écrasé nos intuitions et nos besoins pour mieux répondre aux attentes d’une société de la performance. A quel prix ? A celui de multiples et répétés passages en force… A force de “il faut” réussir, se démarquer, trouver sa voie, être meilleur, nous en oublions d’écouter qui nous sommes.
Au creux de nous se trouvent des trésors qui nous sont propres et qui sont uniques. Chacun de nous a des besoins qui lui sont propres et qui sont uniques. Nous pourrions dès le plus jeune âge apprendre à les reconnaître et à les écouter. Et ainsi développer pleinement le potentiel que nous portons en nous. En comblant uniquement les attentes de notre entourage, nous ignorons les appels de notre individualité, au prix de multiples passages en force.
Ainsi, la procrastination pourrait ne plus être un obstacle mais un moyen d’identifier que nous ne sommes pas en phase avec nos besoins. Mais alors, par où commencer pour se remettre en phase quand la procrastination toque à la porte ?
Mieux nourrir ses valeurs
Nous avons tous des systèmes de valeurs qui nous sont propres et qui évoluent avec le temps et les expériences de la vie. En identifiant nos valeurs et en posant des actions concrètes pour les nourrir, chacun a la chance de faire le point sur ses besoins. En apprenant à distinguer ainsi nos besoins de nos envies, il devient plus simple de distinguer ce que l’on fait pour soi ou seulement pour les autres.
Etre plus à l’écoute de ses cycles
Les êtres humains que nous sommes sont cycliques. Nous sommes influencés par les cycles de la Terre : les saisons, mais aussi par les cycles du corps. Chez les femmes, ces cycles sont plus particulièrement reconnaissables au travers du cycle menstruel. En apprenant à écouter les tendances que son cycle lui suggère, chaque femme a la possibilité de se rapprocher de ses besoins réels.
Savoir prioriser ce qui nous nourrit avant ce qui nous pèse
En osant faire d’abord ce qui nous apporte du plaisir et de l’énergie, la vie devient simplement plus douce. Finit le système de la carotte où il faut faire ce qui nous pèse pour avoir le droit de ressentir du plaisir !
Apprendre à se célébrer
Pour que la notion de plaisir puisse vraiment devenir une habitude, quoi de mieux que de la mettre à l’honneur ? En célébrant une action que l’on a réalisé, un cap que l’on a atteint, ou encore une valeur que l’on a nourrie, on honore qui l’on est.
En mettant le focus sur l’être merveilleux que nous sommes, et en nourrissant ce qui est essentiel pour nous, alors tout s’aligne. Nous trouvons plus d’authenticité et nous nous mettons en accord avec nous-même dans notre quotidien, dans notre vie professionnelle comme dans nos relations.
Voilà ce que la procrastination nous permet, quand on la voit comme un levier plutôt que comme une tendance qui n’est caractérisée que par sa connotation négative.